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Le 22 octobre, la médiathèque accueille Mike Kenny

 Une belle rencontre...



Il est 15h, les enfants de la classe d'Ariane Nouël et Marie-Cécile Malhaire son très impatients de rencontrer Mike Kenny...Tout le monde s'installe dans l'auditorium de la médiathèque...La rencontre peut commencer...Même si Mike Kenny parle bien français, Marina Quivooj du CDDB est là pour faire la traduction...

Voici la retranscription des propos de Mike Kenny lors de la rencontre :

Les élèves de la classe d'Ariane Nouël ont préparé une surprise pour Mike Kenny. Ils chantent un extrait de "l'Enfant perdu" avec une mise en scène de Marc Lainé...

Mike Kenny explique que c’est une pièce très importante pour lui car elle se rattache à un moment de sa vie où son fils avait des problèmes à l’école car il était dyslexique mais personne ne s’en était rendu compte et il souffrait beaucoup. Lui et son fils se sont à ce moment-là perdus puis retrouvés, en quelque sorte. C’est ce que ça raconte.

Question : Pourquoi écrivez-vous des pièces qui font peur ?

MK : Le monde fait peur, tout le monde a peur, et le théâtre est un univers où on est en sécurité pour l’évoquer.

Q : Votre inspiration ?

MK : C’est différent à chaque fois. J’ai écrit « Sur la corde raide » après la mort de mon père. Mon fils Theo avait 4 ans. Il a dit à sa grand-mère : « Grand-papa est mort » et j’ai réalisé qu’il était le premier dans la famille à avoir prononcé le mot « mort ». Puis il a demandé « quand revient-il ? ». Alors j’ai écrit la pièce parce que je ne pouvais pas répondre à cette question. Et dans la pièce le mot « mort » n’est jamais prononcé non plus.

Q : Marié ?

MK : Oui. Ma femme est une comédienne très célèbre et nous avons 3 fils. L’aîné (« L’enfant perdu ») a 28 ans, Joshua 19 et Theo 14.

Q : Pourquoi le thème d’Alzheimer dans «Le jardinier » ?

MK : Deux sources d’inspiration. Le père de ma femme jardine beaucoup, s’appelle Harry et quand il vient nous voir il apporte toujours des fleurs ou des fruits et des légumes. Et puis la tante Linda (la sœur de ma mère) qui a beaucoup vieilli. Quand j’étais jeune j’étais toujours avec elle. Elle commençait à oublier des choses et ça donnait des conversations très bizarres, souvent la même conversation
J’ai commencé à écrire la pièce, ça semblait une bonne idée : l’histoire d’une personne jeune qui ait la mémoire et d’une vieille qui la perde. J’étais en train de l’écrire mais je sentais que j’avançais dans un tunnel profond et sans fin (rires). C’était très différent de « Sur la corde raide » qui va de l’ombre à la lumière. Là c’était le contraire. Or c’est une pièce pour enfants alors pourquoi parler de quelqu’un qui est à la fin de sa vie à des êtres qui sont au début de la leur ? Donc je suis revenu au début de la pièce et j’ai découvert autre chose : Harry et Joe ont tous les deux des problèmes avec leur sœur ! C’est la nouvelle pièce. Ils partagent leurs problèmes et ce n’est plus seulement une pièce sur la mort d’Harry. Il aide aussi Joe à construire une relation avec sa sœur.

Q : Inspiration de « La nuit électrique » ?

MK : Marc Laîné m’a proposé de créer une pièce sur la peur du noir. Nous avons travaillé à Valence avec des comédiens en plein été. Ce n’était pas du tout obscur ! (rires)
Alors nous avons continué le travail dans une salle sous la mairie, une cave en fait, où Marc et Odile ont fait gonfler 300 ballons noirs dont ils ont rempli la cave. Nous nous sommes mis à parler de la peur du noir et la pièce a commencé comme ça. Finalement on n’a pas utilisé tant que ça la peur du noir en elle-même mais la peur d’autres choses, qui viennent quand il fait noir : car quand le noir est là tu commences à imaginer des choses et à avoir peur.

Q : Etes-vous inspiré par la vie ?

MK : Quand j’étais enfant j’habitais une petite ville à la frontière entre l’Angleterre et le Pays de Galles, mon père conduisait un camion, ma mère était chef cuistot dans un café. J’ai toujours lu des livres ; les livres étaient la vie. J’en avais toujours un dans mon sac, et aujourd’hui encore ! A cette époque je croyais que la vie « ordinaire » n’était pas un sujet pour un livre. Je croyais que pour créer un livre ou être dans un livre il fallait être important, être à Londres, etc…J’ai mis longtemps à comprendre que les vies ordinaires sont le sujet (et le bon sujet ) de la littérature. Dans mes livres les choses qui arrivent arrivent à beaucoup d’entre nous. Nous sommes bouleversés, nous vieillissons, nous avons peur, nous sommes heureux…

Q : Comment arrivez-vous à écrire pour les personnes aveugles ?

MK : J’ai commencé pour des personnes sourdes…Une de mes amies metteur en scène est sourde, alors on a créé des pièces pour les sourds. De fil en aiguille on s’est aussi adressé au public mal-voyant, et finalement aux sourds et mal-voyants ! Pendant un moment j’ai cru que c’était impossible. Mes pièces n’ont pas beaucoup de mots, je trouve toujours qu’il y en a trop et j’en supprime toujours. Les personnes sourdes utilisent la langue des signes, qui « marche » bien avec mes pièces. Mais pour les mal-voyants c’est impossible de voir ces signes. Seulement, ce sont des gens qui écoutent très bien. Un spectateur a besoin de savoir ce que ressent un personnage. Il me fallait trouver un moyen de dire au public ce que mes personnages sentaient. Alors j’ai commencé à remettre des mots dans mes pièces. En fait, les personnages « commentent ». C’est un peu post-moderne…(rires)…Un personnage dit par exemple : « ma mère est entrée dans la chambre et elle souriait ». Le personnage de la mère dit : « oui mais ce n’est pas vrai… » (sous-entendu « à l’intérieur de moi je ne souriais pas »). C’est très excitant mais difficile de travailler comme ça. C’est à ce moment-là aussi que j’ai commencé à travailler avec Marc Lainé car il faisait le décor de cette pièce.

Q : Votre inspiration pour « Un rêve féroce » ?

MK : C’est une autre idée bizarre de Marc Lainé. J’aime travailler avec lui parce qu’il est très créatif. Il a proposé l’idée du grand lit et de la petite fille, dans un rêve…il aime beaucoup Alice au pays des merveilles…et moi je déteste ! de plus, une pièce a besoin de personnages très actifs, qui évoluent au fil des péripéties, qui changent. Un rêve est passif, Alice subit ce qui se passe dans son rêve, elle n’évolue pas… donc on s’est beaucoup bagarré, avec Marc !!

Q : Est-ce difficile d’écrire une pièce sur commande ?

MK : C’est facile car une pièce existe sur la page mais surtout sur scène. J’aime parler, échanger avec les autres artistes. 

Q : Quel autre métier auriez-vous fait ?

MK : Avant d’être auteur j’étais comédien, pendant 11 ou 12 ans. Mais c’est très difficile d’être 2 comédiens avec des enfants…Alors ma femme joue et moi j’écris…mais un jour je jouerai à nouveau et je rejoindrai le « cirque » …

Q : Auriez-vous aimé jouer un personnage dans « Un rêve féroce » ?

Mk : Un des animaux, avec plaisir…

Q : Dans « La nuit électrique », pourquoi la mère est effrayante ? (et aussi dans « Un rêve féroce » ?)

MK : Ce n’est pas très représentatif car depuis 2 ans j’ai créé des pièces avec des personnages de mères très positives, des femmes heureuses. Mais peut-être que c’est un peu la même chose…quand ma mère était en colère c’était la chose la plus effrayante qui soit…mon père était toujours en colère mais ma mère très rarement alors c’était d’autant plus terrible…

Q : Avez-vous choisi votre métier ?

MK : Quand j’ai quitté l’école quelqu’un m’a dit d’aller faire du droit. J’ai réalisé que c’était une très mauvaise idée ! J’ai arrêté et je suis allé travailler à la poste. Puis j’ai essayé d’être prof de littérature ; j’ai eu mon diplôme mais j’ai réalisé que je ne souhaitais pas être prof  mais acteur. J’ai d’abord intégré une compagnie qui faisait des pièces pour les écoles et les enfants. Mais quand j’étais petit je voulais être vétérinaire…

Q : Avez-vous vu la pièce « La Nuit Un rêve féroce »

MK : 4 fois. Je l’aime beaucoup. Elle change à chaque fois. C’est écrit différemment de d’habitude. Il y a eu l’écriture et le jeu simultanément. Ça continue à évoluer. Ici à Lorient le travail a commencé avec la scène (avec le lit déjà !), trois comédiens et l’idée du rêve. Quand j’ai vu la scène la première fois, j’ai pensé « mais ce lit est une cage ! »
Comment on met en scène un rêve ? Pas facile…souvent on rêve de quelque chose qui nous est arrivé dans la journée. J’ai donc commencé par écrire la journée d’Isabella. Quand j’ai écrit son cauchemar je me suis rendu compte que j’écrivais aussi le cauchemar des parents d’Isabella (leur aversion pour Neum-Neum, qu’ils aimeraient voir disparaître…). Les comédiens ont improvisé là-dessus en avril puis je suis reparti écrire en Angleterre. Marc et Odile ont une petite fille, qui disait souvent « neum neum neum » quand elle voulait manger. Qui était Neum-Neum ? D’un seul coup nous est venue l’image d’un nounours, de ses bras, de son œil qui tombe un peu, de sa saleté, de quelque chose qui vient de la terre…ce n’est qu’à la toute fin de la pièce qu’apparaît un lapin comme dans Alice au pays des merveilles. Il y avait un petit souci, une question : les enfants allaient-ils avoir peur ? D’ailleurs je voudrais bien vous le demander ; avez-vous eu peur ?

Enfants :
-oui, quand les parents amènent la poupée et la mettent à la place d’Isabella …
-le masque de la poupée !
-quand les parents deviennent tigres, se lèchent et veulent manger Neum-Neum
-quand ils lui demandent de montrer ses mains pour vérifier qu’elles sont propres…
-quand ils lui disent qu’elle est une « gentille petite fille » mais qu’on n’y croit pas à cause de leur façon de le dire.

Q : Voulez-vous écrire autre chose que des pièces ?

MK : Franchement non…il y a un mot en anglais pour décrire l’auteur de pièces. C’est un « play writer ». Il y a le mot jeu là-dedans…et c’est aussi un mot qui signifie réaliser, faire, fabriquer. Etre artisan pour le théâtre, finalement…Comme un architecte. Je donne quelque chose que d’autres vont monter comme une maquette…Je ne sais pas si je pourrais faire autre chose, comme mettre en scène par exemple. J’aime le processus de parole et d’échange avec le metteur en scène, mais pas le pouvoir que la fonction de metteur en scène donne, ça je ne pourrais pas le faire…

: En écrivant « Un rêve féroce, quelles ont été vos impressions ?

MK : Une de mes pièces les plus « dures », mais j’aime les défis…Je continue à la regarder en y cherchant encore le sens, à comprendre ce que j’ai écrit, d’ailleurs le texte n’est pas encore figé.

: Avez-vous l’intention d’écrire une autre pièce ?

MK : J’écris une nouvelle version de Cendrillon racontée du point de vue des rats…Tous les comédiens jouent les rats et il y aura une Cendrillon. Les répétitions commencent fin octobre en Angleterre…

    * * * * * *

En aparté après cette rencontre, Mike Kenny exprime son plaisir d’avoir vu ces enfants et leurs familles prendre le chemin du théâtre, et ajoute : « s’il n’y avait pas eu les livres lorsque j’étais enfant, je ne sais pas ce que je serais devenu… »
 






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